- art
-
1 ♦ (1160) Vx Moyen d'obtenir un résultat (par l'effet d'aptitudes naturelles); ces aptitudes (adresse, habileté). — Mod. L'art de faire qqch. ⇒ façon, manière. « Je confesse mon faible, elle a l'art de me plaire » (Molière). — Plaisant Il a l'art d'ennuyer tout le monde, de m'énerver. — Faire qqch. avec art. ⇒ 2. adresse, habileté, savoir-faire. Loc. mod. Faire qqch. pour l'amour de l'art, par plaisir, et non par intérêt. Avoir l'art et la manière. Ouvrage d'art.♢ Spécialt (appliqué à la littérature, à l'art [II]) L'habileté jointe à la connaissance des moyens. « L'art ne fait que des vers, le cœur seul est poète » (A. Chénier). « L'art est de cacher l'art » (Joubert). C'est du grand art. — Loc. C'est l'enfance de l'art.2 ♦ Vx ou littér. (opposé à nature) Ce que l'homme ajoute à la nature, ce qui est artificiel (⇒aussi artefact). « La délicatesse est un don de la nature, et non pas une acquisition de l'art » (Pascal). « L'art gâte quelquefois la nature en cherchant à la perfectionner » (La Bruyère).3 ♦ (XIIIe) Vx ou spécialt Ensemble de connaissances et de règles d'action dans un domaine particulier; les connaissances, par opposition à une science envisagée abstraitement. ⇒ activité, discipline.4 ♦ Spécialt, vx Métier exigeant une aptitude et des connaissances (apprentissage) de la part de la personne qui l'exerce (⇒ artiste). « L'on peut s'enrichir dans quelque art ou dans quelque commerce » (La Bruyère). Se perfectionner dans un art. « La critique est aisée et l'art est difficile » (Destouches).♢ Mod. L'art culinaire, militaire, l'art vétérinaire. L'homme de l'art : le spécialiste compétent. Spécialt Consulter un homme de l'art, un médecin. Le noble art : la boxe. Les arts martiaux.♢ Vx (ou dans des usages spéciaux) Technique particulière; ensemble de règles pour produire qqch. Les règles d'un art. Mod. Loc. Les règles de l'art : la manière correcte, réglée, de procéder. Il m'a reçu dans toutes les règles de l'art.♢ Mod. (avec de et l'inf.) Art de vivre (I, 3o). « Il y a un art de marcher, un art de respirer : il y a même un art de se taire » (Valéry).♢ Art poétique.5 ♦ (fin XIIe) Plur. Anciennt Arts libéraux, ceux dans lesquels le travail intellectuel est dominant. Les sept arts libéraux étaient enseignés dans les facultés des arts, au Moyen Âge. ⇒ dialectique, grammaire, rhétorique (trivium); 2. arithmétique, astronomie, géométrie, musique (quadrivium).Vx Arts mécaniques, qui exigent surtout un travail manuel ou mécanique.♢ (1786) Mod. Conservatoire des arts et métiers (arts mécaniques). Les arts ménagers : industries et techniques visant à améliorer le confort dans la vie quotidienne. Le Salon des arts ménagers. — (1752) Les beaux-arts, consacrés à la production de la beauté. ⇒ beaux-arts(et ci-dessous, II). — Arts d'agrément : musique, tapisserie, aquarelle.♢ Absolt Les arts : la littérature, la poésie, les arts libéraux et les beaux-arts. « M. Turgot est le protecteur de tous les arts » (Voltaire). Le temple des arts.II ♦ (1752) Mod. Spécialisation d'emplois de I (cf. Beaux-arts).1 ♦ Absolt Expression par les œuvres de l'homme, d'un idéal esthétique; ensemble des activités humaines créatrices visant à cette expression. « La mission de l'art n'est pas de copier la nature, mais de l'exprimer » (Balzac). — Loc. L'art pour l'art : l'art qui n'a pas d'autre but que lui-même, qui ne vise pas l'utile, mais le beau.♢ Spécialt (excluant les disciplines du langage et souvent limité aux arts plastiques). La création d'œuvres en architecture, peinture, musique, etc. Œuvre d'art, objet d'art. Critique d'art. Institut d'art et d'archéologie. Ville d'art, riche en œuvres d'art. Livre d'art, contenant des reproductions d'œuvres d'art. Histoire de l'art. Sociologie de l'art. Cinéma d'art et d'essai.2 ♦ Chacun des modes d'expression de la beauté. L'art dramatique. L'art lyrique. Les arts plastiques ou arts de l'espace. ⇒ architecture, gravure, peinture, sculpture; photographie . Les arts du temps. ⇒ musique; danse; cinéma. Arts utilitaires (⇒ high-tech) . — Loc. Le septième art : le cinéma. Le huitième art : la télévision. Le neuvième art : la bande dessinée. Les arts décoratifs. Arts appliqués. Les arts du spectacle.3 ♦ Création des œuvres d'art; ensemble des œuvres (à une époque; dans un lieu particulier). L'art contemporain, postmoderne. Étudier l'art égyptien, l'art italien. L'art des steppes. Musée national d'Art moderne. — Spécialt Art nouveau, se dit des styles d'art plastique développés en Europe entre 1885 et 1914. ⇒ modern style. Appos. Des chambres art nouveau. Art déco (⇒ décoratif) . — L'art, les arts populaires (⇒ folklore) . — (Selon les styles) Art classique, baroque. Art abstrait, figuratif (en peinture, sculpture). (trad. it.) Art pauvre, dans lequel les objets de la vie quotidienne sont abondamment utilisés.⊗ HOM. Are, arrhes, ars, hart.Synonymes :- don- génie- pouvoir- talentManière de faire qui manifeste du goÛt, un sens esthétique...Synonymes :- adresse- styleartn. m.rI./rd1./d Activité humaine qui aboutit à la création d'oeuvres. Les chefs-d'oeuvre de l'art.— Spécial. (excluant la création littéraire). Cette activité en tant qu'elle s'exerce dans le domaine de la création plastique ou musicale. V. beaux-arts. Histoire de l'art. OEuvre d'art.— Plur. Les arts et les lettres.|| D'art: artistique. Cinéma d'art et d'essai.d2./d Chacun des domaines dans lesquels les facultés créatrices de l'homme peuvent exprimer un idéal esthétique. Cultiver tous les arts. L'art pictural. L'art dramatique: le théâtre. Le septième art: le cinéma. L'art sacré, religieux.d3./d Ensemble d'oeuvres caractéristiques d'une époque, d'une contrée, d'un style. L'art antique. L'art nègre. L'art baroque.d4./d Style particulier à un artiste. L'art du Bernin.rII./rd1./d Ensemble de connaissances, de techniques nécessaires pour maîtriser une pratique donnée. L'art militaire, médical. La critique est aisée et l'art est difficile. Le grand art, l'art sacré, l'art hermétique: l'alchimie.— Travailler dans les règles de l'art, en se conformant aux principes qui régissent l'activité exercée; le mieux possible. Un homme de l'art: un médecin.d2./d Plur. Les sept arts libéraux des universités médiévales (la grammaire, la logique, la rhétorique, qui formaient le cours d'études appelé trivium; l'arithmétique, la géométrie, la musique et l'astronomie, qui composaient le quadrivium).|| Mod. Arts industriels, dans lesquels les modes de production industriels interviennent au plus haut point. Arts ménagers, qui se rapportent à l'entretien d'une maison. Arts appliqués. Arts décoratifs.d3./d Ce qui est l'oeuvre de l'homme (par opposition aux objets naturels). L'art gâte parfois la nature.|| Artifice. Il y a dans sa grâce plus d'art que de naturel.d4./d Adresse, talent. L'art de plaire.Encycl. Art nouveau. Mouvement d'art décoratif (v. 1860 - v. 1910) caractérisé par des lignes sinueuses, des courbes et des formes organiques, qui apparut avec les théories de W. Morris. On l'appelle modern style dans les pays anglo-saxons. En France, on parle aussi de style nouille ou style métro. - Art déco. Style qui s'illustra dans les années 1920-1930, notam. avec l'Exposition des Arts décoratifs de 1925, à Paris, et qui, sous l'influence du fauvisme, du cubisme et de l'art nègre, dépasse l'art nouveau dans tout ce qui a trait à la décoration. - Art brut. Notion mise en avant par J. Dubuffet (1945) pour qualifier la production artistique de personnes "indemnes de culture", qui remet en cause le professionnalisme comme véhicule d'une culture "asphyxiante". - Art africain. (V. Afrique encycl. Bx-arts.) L'art africain par excellence est la sculpture, absente seulement chez quelques peuples nomades. La matière est le plus souvent le bois (Bamiléké au Cameroun, Kongo au Congo, Kuba en rép. dém. du Congo, Baoulé, Dan et Sénoufo en Côte d'Ivoire, Fon et Yorouba au Bénin, Ashanti au Ghana, Baga et Kissi en Guinée, Bobo au Burkina Faso, Dogon et Bambara au Mali, Igbo et Yorouba au Nigeria), et, plus sporadiquement, la terre cuite (Nigeria), la pierre (Guinée, Zimbabwe), le bronze (Nigeria, Bénin, Cameroun). Les pièces sculptées ont fréquemment une fonction religieuse (statues d'ancêtres, de génies, masques de cérémonie) ou politique (statues royales, emblèmes et masques de sociétés secrètes). Les styles et les procédés diffèrent suffisamment dans l'espace et le temps pour qu'il soit possible de reconnaître la provenance ethnique d'un objet. Les arts graphiques sont moins bien représentés; il faut néanmoins citer les peintures pariétales d'Afrique orientale et méridionale, les étoffes appliquées du Dahomey, sans oublier les peintures corporelles réalisées à l'occasion de certaines cérémonies. On voit aujourd'hui se développer des formes d'art "savantes", inspirées des techniques européennes (peinture à l'huile ou fresque, sculpture abstraite), et des formes d'art populaires (fresques figuratives ou à motifs géométriques sur les cases, statues funéraires en ciment). - Art nègre. V. encycl. nègre.⇒ART, subst. masc.[P. oppos. à la nature ,,conçue comme puissance produisant sans réflexion`` (LAL. 1968) et à la science ,,conçue comme pure connaissance indépendante des applications`` (Ibid.)] Ensemble de moyens, de procédés conscients par lesquels l'homme tend à une certaine fin, cherche à atteindre un certain résultat :• 1. Quand la tourmente s'annonce sur les mers orageuses, le pilote appelle son art, et son art lutte contre la tourmente. Quand le calme le saisit sur les plages de la Pacifique, il n'est plus d'art, plus d'effort, on se consume lentement, on périt dans l'abattement, c'est un calme de mort.SENANCOUR, Rêveries, 1799, p. 81.• 2. Dès qu'il s'agit d'art, c'est-à-dire d'expression humaine à travers une technique définie, cette apparence grossière, surchargée, se décante, s'épure, et ne laisse apparaître que de féériques images.LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p. 86.I.— [Cette activité en tant qu'elle cherche une fin utilitaire]A.— [En parlant de mét., d'activités ou de techn. diverses] Synon. de technique :• 3. En exposant ce que furent les arts dans les deux premières époques de la société, on fera voir comment aux arts qui travaillent le bois, la pierre, ou les os d'animaux, qui préparent les peaux, et qui forment des tissus, ces peuples primitifs purent joindre les arts plus difficiles de la teinture, de la poterie, et même les commencements des travaux sur les métaux.CONDORCET, Esquisse d'un tableau hist. des progrès de l'esprit hum., 1794, p. 37.• 4. Ce religieux pratiquait l'art de fabriquer du bleu d'outremer en broyant des pierres de lapis-lazuli calcinées. L'outre-mer valait alors son poids d'or; et le prieur, qui avait sans doute des secrets, estimait le sien plus précieux que le rubis et le saphir.A. FRANCE, Le Lys rouge, 1894, p. 139.— [En parlant d'animaux] Adresse, industrie :• 5. Ils les [les nids] construisent avec beaucoup d'art en leur donnant la forme d'une bourse avec une seule ouverture.H. COUPIN, Animaux de nos pays, 1909, p. 153.— Spéc. Le grand art, l'alchimie; l'art sacerdotal ou art sacré, la science magique des Égyptiens, la philosophie hermétique; l'art royal, la franc-maçonnerie.♦ SP. Le noble art. La boxe.SYNT. Art du potier, du luthier; art de l'agriculture, de la distillation; art de nager, de pêcher à la ligne, de préparer un feu, de tresser, de toréer; art culinaire, dentaire, publicitaire, équestre, photographique; joyau, verrerie d'art; ouvrier d'art; les arts appliqués, les arts industriels, les arts et métiers.♦ Ouvrage d'art. ,,Produit de la technique pour modifier la nature dans un but d'adaptation à l'usage de l'homme.`` (MIQ. 1967) :• 6. Pour (...), détruire les ouvrages d'art sur lesquels passent les voies ferrées qui suivent le littoral [ennemi], (...), il faut des croiseurs nombreux et rapides; ...A. CRONEAU, Construction pratique des navires de guerre, t. 1, 1892, p. 124.B.— [P. oppos. à science ,,conçue comme une pure connaissance indépendante des applications`` (LAL. 1968)] :• 7. La médecine n'est pas une science; c'est un art; par conséquent, son application est inséparable de l'artiste. (...). En effet, dans toutes les connaissances humaines, il y a à la fois de la science et de l'art. La science est dans la recherche des lois des phénomènes et dans la conception des théories; l'art est dans l'application, c'est-à-dire dans une réalisation pratique en général utile à l'homme qui nécessite toujours l'action personnelle d'un individu isolé.C. BERNARD, Principes de méd. exp., 1878, p. 175.SYNT. Art de la guerre; art médical, vétérinaire; art héraldique, magique; art des haruspices.Rem. L'homme de l'art désigne un médecin ou plus rarement un architecte.C.— P. ext., constr. fréq. art de + inf. Talent, habileté.1. [Dans une activité intellectuelle, sociale, ludique etc...] :• 8. — Monsieur le consul, répondit dogmatiquement l'inspecteur de police, les grands voleurs ressemblent toujours à d'honnêtes gens. Vous comprenez bien que ceux qui ont des figures de coquins n'ont qu'un parti à prendre, c'est de rester probes, sans cela ils se feraient arrêter. Les physionomies honnêtes, ce sont celles-là qu'il faut dévisager surtout. Travail difficile, j'en conviens, et qui n'est plus du métier, mais de l'art.VERNE, Le Tour du monde en 80 jours, 1873, p. 26.• 9. C'est [Bergson] l'un des esprits les plus importants de l'époque (...). Songez à ce qu'il faut d'invention et de labeur, de rigueur et d'art, pour édifier un système. Songez que notre temps est peu favorable à ces vastes constructions, qu'il faut une sorte d'héroïsme pour entreprendre.VALÉRY, Entretiens avec F. Lefèvre, 1926, p. 77.SYNT. Art de diriger une maison, de duper les gens, d'écrire, d'élever les enfants, d'embrouiller les cartes, de gérer sa fortune, de négocier, d'organiser des travaux, de penser, de persuader; art de la conversation, de l'ironie, des affaires, des plaidoiries, des querelles.2. [Dans une manière d'être, un savoir-vivre] :• 10. Le renouvellement, l'emploi, le ménagement de sa propre force, c'est le grand art de la vie; il y a une diététique de l'esprit, et une hygiène de l'âme. On se le rappelle sitôt qu'on en a violé les prescriptions et qu'on pâtit de cette transgression imprudente.AMIEL, Journal intime, 1866, p. 138.• 11. L'art d'être heureux : on devrait bien enseigner aux enfants l'art d'être heureux. Non pas l'art d'être heureux quand le malheur vous tombe sur la tête; je laisse cela aux stoïciens; mais l'art d'être heureux quand les circonstances sont passables et que toute l'amertume de la vie se réduit à de petits ennuis et à de petits malaises.ALAIN, Propos, 1910, p. 83.SYNT. Art d'aimer, d'être grand-père, de perdre du temps, de plaire, de voyager; art de la douceur, de l'indifférence.II.— [La finalité de cette activité est de caractère esthétique, désintéressée, non utilitaire]A.— Expression dans les œuvres humaines d'un idéal de beauté.1. Correspondant à un type de civilisation.SYNT. Art assyrien, attique, aztèque, bouddhique, chrétien, crétois, égéen, égyptien, étrusque, gréco-romain, hittite, ionique, khmer, méditerranéen, musulman, nègre, persan, phénicien, provençal, rupestre.— Coll. Ensemble des productions artistiques d'une époque, d'un pays, d'une civilisation. Art ancien, art moderne.2. Correspondant à une catégorie sociale (origine ou destination). Art populaire.♦ Art de masse(s). Art destiné à la masse :• 12. ... l'Amérique donne actuellement leur accent aux arts de masses : la radio, le cinéma et la presse.MALRAUX, Les Conquérants, 1928, p. 166.SYNT. a) Art abstrait, académique, didactique, épique, figuratif, populaire, primitif; art chorégraphique, comique, dramatique, décoratif, littéraire, musical, pictural, théâtral; art de l'architecture, du dessin, du piano; aimer, cultiver, étudier un/l'art. b) Les beaux-arts; les arts d'agrément; les arts d'expression; encourager, protéger les arts; se faire un nom dans les arts.3. Correspondant à une vision, à une conception propre à l'artiste :• 13. Par l'art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n'est pas le même que le nôtre, et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu'il peut y avoir dans la lune. Grâce à l'art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et, autant qu'il y a d'artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l'infini et, bien des siècles après qu'est éteint le foyer dont il émanait, qu'il s'appelât Rembrandt ou Ver Meer, nous envoient encore leur rayon spécial.PROUST, Le Temps retrouvé, 1922, p. 895.• 14. Le problème pour l'artiste absurde est d'acquérir ce savoir-vivre qui dépasse le savoir-faire. Pour finir, le grand artiste sous ce climat est avant tout un grand vivant, étant compris que vivre ici c'est aussi bien éprouver que réfléchir. L'œuvre incarne donc un drame intellectuel. L'œuvre absurde illustre le renoncement de la pensée à ses prestiges et sa résignation à n'être plus que l'intelligence qui met en œuvre les apparences et couvre d'images ce qui n'a pas de raison. Si le monde était clair, l'art ne serait pas.CAMUS, Le Mythe de Sisyphe, 1942, p. 135.• 15. Le monde de l'art n'est pas celui de l'immortalité, c'est celui de la métamorphose.MALRAUX, Antimémoires, Paris, Gallimard, 1967, p. 68.— P. ext. La beauté créée par l'artiste :• 16. Maintenant que me voilà un peu hors de l'ouragan politique, je serai bien heureux de causer avec vous de tout ce que nous aimons ensemble, et de faire reprendre à mon esprit un bain d'idéal, d'art et de poésie.HUGO, Correspondance, 1872, p. 303.4. Considéré comme un absolu. Un peintre qui ne vit que pour l'art (DUB.). L'art en soi, l'art pour l'art, le péché contre l'art.5. Considéré dans chacun des domaines où s'exerce la création d'œuvres artistiques :• 17. ANNE VERCORS. — On m'a dit que d'ingénieur vous vous êtes fait architecte.PIERRE DE CRAON. — C'est vrai.ANNE VERCORS. — Et qui vous enseigna cet art?PIERRE DE CRAON. — La nature pour qui sait l'écouter est un maître excellent. La pierre que je maniais m'a instruit.CLAUDEL, La Jeune fille Violaine, 2e version, 1901, IV, p. 646.SYNT. Œuvre, objet d'art (statue, tableau, etc.); livre, reliure, théâtre d'art; amateur d'art, celui qui collectionne les œuvres d'art.B.— [P. oppos. aux mét. qui ont pour objet la production de choses utiles et p. oppos. à la nature, à ce qui est naturel] Ensemble des règles, des moyens, des pratiques ayant pour objet la production de choses belles :• 18. ... — ce qui est vrai d'un homme l'est tout autant d'un peuple. Pour l'un comme pour l'autre, l'art revêt donc une importance primordiale. Loin d'être un simple enjolivement de la vie, un luxe ou un ornement, où certains voudraient voir une annexe de l'oisiveté, l'art répond à une fonction profonde de la vie mentale. Il n'est pas de société qui ait pu se passer de lui.HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, p. 382.— En partic., p. oppos. à technique :• 19. Puisque l'art commence là où cessent les mécanismes de la technique, puisqu'il n'est pas un moyen mis au service de quelque autre activité mais son propre but et sa propre fin, la tentation n'est-elle pas pressante d'aller jusqu'au bout? La poésie est un langage de mots, mais où la transmission du sens et la correction de la forme ne valent que par leur perfection; elle se justifie par ce seul souci. De même l'art est un langage d'images qui ne s'assigne un sujet et des règles d'exécution que pour y trouver la beauté; il n'est art que par cette ambition.HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955 p. 102.C.— Pratique de ces règles; virtuosité, talent, maîtrise :• 20. Sur cela, il se met à réciter et si bien, si agréablement, avec tant d'art et de feu, qu'il ravit son auditeur.SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 348.• 21. ... je m'enchantai à son art, qui n'était guère qu'une virtuosité admirable, mais me faisait (sans qu'il fût, au sens intellectuel du mot, un vrai musicien) réentendre ou connaître tant de belle musique.PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922, p. 911.— Spéc. Goût :• 22. Elle s'était enveloppée dans son rideau avec tant d'art et de précaution, qu'il ressemblait vraiment à un vieux châle, et qu'on ne voyait presque pas la bordure. En un mot, elle trouvait moyen de plaire encore dans cette friperie, et de prouver, une fois de plus sur terre, qu'une jolie femme est toujours jolie.MUSSET, Mimi Pinson, 1845, p. 247.SYNT. (voc. de la crit. d'art). Bel art, grand art; art charmant, délicat, désuet, fantaisiste, impersonnel, ingénieux, inimitable, inouï, magistral, merveilleux, noble, pompeux, rigoureux, savant, sublime, vieillot.III.— Au plur.A.— [La finalité est de caractère utilitaire]1. Arts mécaniques. Ceux qui exigent un effort manuel ou un travail mécanique. Arts industriels, arts et métiers. Arts ménagers. Ensemble des techniques qui procurent le bien-être matériel en facilitant la tâche de la ménagère.2. Arts libéraux. [P. oppos. aux arts mécaniques] Ceux où l'esprit et l'intelligence ont le plus de part.— [Dans les anc. universités] Les sept arts libéraux. Les sept arts du trivium (grammaire, dialectique, rhétorique) et du quadrivium (arithmétique, géométrie, histoire, musique).B.— [La finalité est de caractère esthétique] Arts plastiques (peinture, statuaire); arts décoratifs; arts d'agrément (dessin, musique, danse); beaux-arts ou, absol., arts; l'Académie des Beaux-Arts; un protecteur des arts :• 23. ... les néo-platoniciens du IIIe siècle et leur maître Plotin, réagissaient eux aussi contre la dictée des sens, contre le culte du visible et du palpable, aspiraient à les transgresser. « Les arts, disait Plotin, ne se bornent pas à imiter les objets qui s'offrent à nos regards », ils doivent « séparer de ces choses la forme de la matière et considérer la beauté dans les proportions ».HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, p. 131.Rem. On rencontre dans la docum. le néol. péj. artisme, subst. masc. (VALÉRY, Correspondance [avec Gide], 1910, p. 421; suff. -isme). Ce qui prétend être de l'art sans en être. Tout l'artisme anglo-normand.PRONONC. — 1. Forme phon. :[
]. ROUSS.-LACL. 1927, p. 130, GRAMMONT Prononc. 1958, p. 28 donnent ce mot en ex. d'une règle selon laquelle le a est ant. et long devant r final (cette règle ne s'applique pas au groupe oi). Enq. :/
/. 2. Homon. : are, arrhes, ars, hard, hart.
ÉTYMOL. ET HIST.A.— 1. a) Ca 1100 males arz « arts maléfiques, sciences occultes » (Roland, 886, éd. J. Bédier, p. 76 : Reis Corsalis, il est de l'altre part. Barbarins est e mult de males arz) — 1493 maulvaiz arts « sorcellerie » (Cri du prevost de Paris, ap. Laborde ds GDF. Compl.); cf. début XVIe s. art magique (LEMAIRE DE BELGES, Illustr., I, 19 ds HUG. : Au temps jadis, cestoit chose fort honnorable aux Princes de savoir lart Magique, laquelle comprenoit trois sciences principales : Cestasavoir, Religion, Medicine, et Astronomie); b) 1165-70 surtout au plur. « disciplines des études libérales (au Moyen-Âge) » (B. DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 8 ds T.-L. : les granz livres des set arz); c) début XIIIe s. « activité, métier, discipline manuelle » (Jourdain de Blaye, éd. K. Hofmann, 1299 ds T.-L. : quiert poissons, c'est li ars dont il vit); 2. a) 1165-70 « moyen de parvenir à quelque chose, adresse » (B. DE STE-MAURE, Troie, 13349 ds GDF. Compl. : Cil les prennent, mes c'est a tart, Et si vos dirai par quelle art); b) XVIe s. « manière de bien pratiquer une activité, méthode, règles propres à une discipline » (AMYOT, Aristide, 27 ds HUG. : Par certaines tables, ou estoit escrite l'art d'exposer les signifiances des songes); 3. 1580 « ce qui est le produit de l'activité humaine, ce qui est artificiel (p. oppos. au naturel) » (MONTAIGNE, III, 355 ds LITTRÉ : Si j'estois du mestier, je naturaliserois l'art, autant comme ils artialisent la nature). Rem. : encore employé au fém. au XVIe s.B.— 1. 1740 « mode d'expr. partic. de la beauté, activité dont le résultat est la création d'un objet ou d'une œuvre esthétique » (Trév.); 2. 1752 Beaux Arts « ensemble des activités et des œuvres où se manifeste la recherche d'une expression esthétique (LA COMBE, Dict. des Beaux Arts : Arts (Beaux); ils sont distingués des Arts simplement dits, en ce que ceux-ci sont pour l'utilité, ceux-là pour l'agrément. Les Beaux Arts sont Enfants du génie; ils ont la nature pour modèle, le goût pour maître, le plaisir pour but).Empr. au lat. ars, attesté dans les différents emplois de A : 1 a dep. APULÉE (Apol., 25 ds OLD 175 § 5), « disciplines d'études libérales » — cf. 1 b dep. CICÉRON (De Orat., I, 158, ibid., 175, § 6); 1 c dep. PACUVIUS (Trag., 108, ibid., 175, § 7); 2 a dep. C. LUCILIUS (85, ibid., 175, § 1); 2 b au Ier s. av. J.-C. (Rhet. Her., I, 3, ibid., 175, § 9); 3 (Rhet. Her., 3, 28, ibid., 175, § 2); attesté dep. CICÉRON au sens B 1 (N.D. 2, 82, ibid., 175, § 8) et au sens corresp. à B 2 (Leg., 2, 4, ibid., 175, § 8).STAT. — Fréq. abs. littér. :16 540. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 24 119, b) 20 592; XXe s. : a) 23 515, b) 24 585.BBG. — BACH.-DEZ. 1882. — BAL.-MAQ. 1968. — Bible 1912. — BLANCHE 1857. — BOUILLET 1859. — BRÉZ. 1969. — BRUN 1968. — COMTE-PERN. 1963. — Divin. 1964. — Éd. 1913. — ÉD. 1967. — Foi t. 1 1968. — FOULQ.-ST-JEAN 1962. — FRANCK 1875. — GIRAUD-PAMART 1971. — GOUGENHEIM (G.). La Relatinisation du vocab. fr. Annales de l'univ. de Paris. 1959, t. 29, n° 1, p. 8. — GOUG. Mots t. 2 1966, pp. 69-73. — GRUSS 1952. — GUILB. Aviat. 1965. — JOSSIER 1881. — JULIA 1964. — LABORDE 1872. — LACR. 1963. — LAFON 1969. — LAL. 1968. — LARCH. 1880. — Lar. comm. 1930. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — MACHABEY (A.). Rem. sur le lex. musical du De Canticis de Gerson. Romania. 1958, t. 79, p. 178. — MARCH. 1970. — MATHIEU 1970. — MAT. Louis-Philippe 1951, p. 65, 66, 236. — MATORÉ (G.). Les Not. d'« art » et d'« artiste » à l'époque romant. R. sc. hum. 1951, t. 16, pp. 120-137. — Méd. Biol. t. 1 1970. — Mét. 1955. — MONT. 1967. — NEYRON 1970. — NYSTEN 1814. — PARÉ (G.). Le Roman de la rose et la scolastique courtoise. Paris, 1941, pp. 45-47. — PLAIS.-CAILL. 1958. — POPE 1961 [1952], § 777. — POROT 1960. — ROQUES (M.). L'Art et l'Encyclopédie. Annales de l'univ. de Paris. 1952, pp. 91-109. — ROUGNON 1935. — SANDRY-CARR. Peintres 1963. — Sexol. 1970. — Sociol. 1970. — SPR. 1967. — TEZ. 1968. — TIMM. 1892. — TONDR.-VILL. 1968. — ZASTROW 1963, passim.art [aʀ] n. m.ÉTYM. 1080, males arz « magie, technique et science occultes », Chanson de Roland; lat. ars, artis, accusatif artem, fém. — REM. Le mot est fém. jusqu'au XVIe; le masc. l'emporte au XVIIe, la terminaison étant sentie comme masculine.❖———I Ensemble de moyens, de procédés conscients qui tendent à une fin.1 On dit de la Médecine qu'elle est un Art; on le dit aussi bien de la Vénerie, de l'Équitation, de la conduite de la vie ou d'un raisonnement. Il y a un art de marcher, un art de respirer : il y a même un art de se taire.2 Ce mot (art) comporte deux sens symétriquement inverses, à partir d'une racine commune. L'artifex (artiste ou artisan) c'est l'homme incarnant une idée, fabriquant un être que ne fournit pas la nature (…) Mais ou bien cette création est subordonnée à nos fins pratiques (arts utilitaires) — ou bien elle nous subordonne à des fins idéales (beaux-arts) et satisfait, si l'on peut dire, des besoins non utilitaires : d'où, par hybridation de ces caractères primitifs de l'art, l'aspect magique, superstitieux, idolâtrique qu'il a pris aux débuts mêmes de l'humanité; d'où le dévouement, la dévotion de l'artiste à son œuvre; d'où le culte mystique de l'art chez les plus civilisés.1 (V. 1160, Benoit de Sainte-Maure). Vx, ou dans des expressions. Moyen d'obtenir un résultat en utilisant des aptitudes naturelles. ⇒ Adresse (cit. 1), don, façon, faire, génie, habileté, intelligence, manière, moyen, pouvoir, puissance, qualité, talent. || Se conduire avec art, avec plus d'art (→ ci-dessous, cit. 21), avec un art consommé. — (Suivi d'un compl.). || L'art des compliments, des ruses (→ ci-dessous, cit. 17). — (Suivi de de et l'inf.; dans cet emploi, ce sens est encore vivant). || L'art d'être heureux (Alain). || Un véritable art de vivre. || L'art de parler et de se taire. || Art de plaire, d'émouvoir. || Art de dissimuler, de tromper. ⇒ Artifice, ruse. || Passer maître dans l'art de corrompre. — Vieilli. || Savoir l'art de (→ ci-dessous, cit. 9, 11 et 15), trouver l'art de (→ ci-dessous, cit. 12).3 L'art de persuader consiste autant en celui d'agréer qu'en celui de convaincre.Pascal, De l'esprit géométrique, 2.4 La constance des sages n'est que l'art de renfermer leur agitation dans leur cœur.La Rochefoucauld, Maximes, 20.5 Jamais homme n'a eu moins que lui (d'Elbeuf) l'art de se faire plaindre dans sa misère (…)Retz, Mémoires, II, 216.6 Et l'art et le pouvoir d'affermir des couronnesSont des dons que le ciel fait à peu de personnes.Corneille, Horace, V, 3.7 Vous avez trouvé l'art d'être maître des cœurs.Corneille, Cinna, V, 3.8 (…) je pourrai trouver l'art de me faire aimer.Molière, les Femmes savantes, V, 1.9 Je puis vous dissiper ces craintes ridicules,Madame, et je sais l'art de lever les scrupules,Le Ciel défend, de vrai, certains contentements;Mais on trouve avec lui des accommodements (…)Molière, Tartuffe, IV, 5.10 Je confesse mon faible, elle a l'art de me plaire.Molière, le Misanthrope, I, 1.11 Je sais l'art de traire les hommes (…)Molière, l'Avare, II, 5.12 C'est un parleur étrange, et qui trouve toujoursL'art de ne vous rien dire avec de grands discours (…)Molière, le Misanthrope, II, 4.13 (…) c'est un art (le métier de flatteur) où l'on fait, comme on voit, des fortunes considérables.Molière, l'Amour médecin, III, 1.14 Absente de la cour, je n'ai pas dû penser,Seigneur, qu'en l'art de feindre il fallût m'exercer.Racine, Britannicus, II, 3.15 Je sais l'art de punir un rival téméraire.Racine, Britannicus, III, 8.16 Ne pourrait-on pas découvrir l'art de se faire aimer de sa femme ?La Bruyère, les Caractères, III, 80.17 L'art des précautions était inutile, parce que l'art de se contrefaire n'était pas encore inventé.18 L'air de mollesse des jeunes filles, l'art de composer leurs visages, leur parure vaine, tout ce que je voyais dans ces femmes me semblait vil et méprisable (…)Fénelon, Télémaque, IV.19 Il faut que votre sexe ait fait une étude bien réfléchie de l'art de se composer pour réussir à ce point !Beaumarchais, le Mariage de Figaro, II, 19.20 L'art de juger et l'art de raisonner sont exactement le même.Rousseau, Émile, III.21 Elle eût avec plus d'art trompé ma confiance.Voltaire, Zaïre, III, 7.♦ Mod. Iron. || Art de (et l'inf.). || Il a l'art d'ennuyer tout le monde.22 (…) cet homme comparable à nul autre en l'art de passer de la pommade.Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, VI, 2.♦ ☑ Loc. Le grand art : l'habileté suprême. || Le grand art, c'est d'obtenir sans avoir à demander. — Du grand art. || Tu as vu sa façon de nous escroquer : c'est du grand art !♦ Un grand art.22.1 L'écrivain aussi est soumis à cette loi de n'inventer que ce qu'il écrit (…) aussi c'est un grand art de ne pas raturer, mais de sauver tout.Alain, Propos, 14 avr. 1923, le Potier.♦ Absolt. Habileté, virtuosité et goût. || Faire qqch. avec art, avec beaucoup d'art (souvent appliqué aux créations esthétiques et, dans ce cas, compris au sens II.).♦ ☑ Loc. Mod. Faire qqch. pour l'amour de l'art, pour le plaisir d'exercer habilement une activité, et non par intérêt.♦ Ouvrage d'art : ouvrage technique destiné à aménager la nature; spécialt, ouvrage technique permettant de tracer une voie malgré les difficultés du terrain (ponts, aqueducs, tunnels, etc.).♦ Vx. (En parlant des animaux). Habileté à accomplir un ouvrage, par instinct. ⇒ Industrie.23 Ils (les castors) savent en hiver élever leurs maisons,Passent les étangs sur des ponts,Fruit de leur art, savant ouvrage (…)La Fontaine, IX, Disc. à Mme de La Sablière, 110.24 La plupart des espèces d'animaux, comme les abeilles, les araignées, les castors, ont chacun un art particulier, mais unique, et qui n'a point parmi eux de premier inventeur; les hommes ont une infinité d'arts différents, qui ne sont point nés avec eux et dont la gloire leur appartient (…)25 Si Locke eût réfléchi un moment aux idées innées des animaux, il se fût convaincu que c'est par elles qu'une chenille sortant de son œuf (…) se choisit une retraite sous une branche (…) qu'elle s'y file une coque avec un art admirable.Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature, V.2 (XVIe). Vx, littér. ou didact. || L'art (absolt), l'art de qqn : l'activité consciente et créatrice tendue vers un but et supposant une suite d'actions maîtrisées (par oppos. à toute activité spontanée, instinctive, qu'elle soit humaine ou non, la nature, le naturel étant conçus comme des dynamismes extérieurs à la raison); l'habileté maîtrisée pour arriver à un résultat. || Il n'y a point d'art dans tout ce qu'il dit, c'est la nature qui parle (Académie). ⇒ Affectation, apprêt, artifice, effort, fard, recherche. || Les ressources de la nature et de l'art. || Un effet de l'art, un ouvrage de l'art. || L'art, selon Bacon, c'est l'homme ajouté à la nature (lat. Ars est homo additus naturae). || Une place forte que la nature et l'art ont rendue imprenable.26 (…) le plus digne Roy qui soit en l'universAux miracles de l'art fait céder la nature.Malherbe, Sonnet à Caliste.27 Le premier (le peintre) par son art égale la nature;Mais l'autre (Montaigne) la surpasse en tout ce qu'il écrit.Malherbe, Sur un portrait de Montaigne.28 La délicatesse est un don de la nature, et non pas une acquisition de l'art (…)Pascal, Disc. sur les passions de l'amour.29 Je conclus de cette aventureQu'il ne faut pas tant d'art pour conserver ses jours :Et, grâce aux dons de la nature,La main est le plus sûr et le plus prompt secours.La Fontaine, Fables, X, 16.30 (Deux veuves) L'une encore verte, et l'autre un peu bien mûre,Mais qui réparait par son artCe qu'avait détruit la nature.La Fontaine, Fables, I, 17.31 L'art gâte quelquefois la nature, en cherchant à la perfectionner.La Bruyère, les Caractères, I.32 Dans les ouvrages de l'art c'est le travail et l'achèvement que l'on considère, au lieu que dans les ouvrages de la nature, c'est le sublime et le prodigieux.Boileau, Réflexions critiques sur Longin, 30.33 Et soyons de concert auprès des malades, pour nous attribuer les heureux succès de la maladie, et rejeter sur la nature toutes les bévues de notre art.Molière, l'Amour médecin, III, 1.34 La nature seule vient à bout de celles (les maladies) qui ne sont pas mortelles : celles qui le sont ne trouvent dans l'art aucune ressource.Voltaire, Dialogues philosophiques, Maladie, médecine.35 On peut avec de l'art, amener tous les sourds et muets de naissance au point de commercer avec les autres hommes.Buffon, Hist. nat. de l'homme, De l'ouïe.36 Les différents contrastes qu'offre votre caractère de naturel sans simplicité, de réserve et d'imprudence, contrastes qui viennent en vous du combat de l'art et de la nature.d'Alembert, Portrait de Mlle de Lespinasse.REM. À partir du XIXe s., les emplois analogues concernent la création esthétique au sens large (→ ci-dessous, II., 1.).37 L'art, c'est la création propre à l'homme. L'art est le produit nécessaire et fatal d'une intelligence limitée, comme la nature est le produit nécessaire et fatal d'une intelligence infinie. L'art est à l'homme ce que la nature est à Dieu.Hugo, Post-scriptum de ma vie, p. 5.♦ L'acquisition d'un art par l'exercice des dispositions naturelles à l'homme et la connaissance de règles méthodiques (⇒ Technique) spéciales à cet art. ⇒ Application, effort, étude, préparation, soin, travail. || Un art qui s'apprend difficilement. || S'instruire, se perfectionner dans un art. || Instruire un enfant dans l'art de plaire (→ ci-dessus, cit. 3 et supra). || Cultiver un art.38 Les dons de la nature valent mieux que les dons de l'art; cependant l'art est nécessaire pour faire fleurir les talents (…)Vauvenargues, Réflexions et maximes.39 Il instruira mon fils dans l'art de commander (…)Racine, Phèdre, III, 1.40 Il ne faut ni art ni science pour exercer la tyrannie.La Bruyère, les Caractères, X, 2.41 Quel autre art de penser Aristote et sa suiteEnseignent-ils, par votre foi ?La Fontaine, Fables, XI, 9.42 Penser est un art que l'homme apprend comme tous les autres et même plus difficilement.Rousseau, Émile, III.♦ L'art, par oppos. à la vie, au temps, en tant que puissances extra-humaines.43 Le travail constant est la loi de l'art comme celle de la vie (…)Balzac, la Cousine Bette, Pl., t. VI, p. 322.44 Bien qu'on ait du cœur à l'ouvrageL'Art est long et le Temps est court.Baudelaire, les Fleurs du mal, « Spleen et Idéal », XI.♦ Allus. littér. L'art, en tant que création, par oppos. à l'activité réfléchie qui juge cette création.45 — Mais on dit qu'aux auteurs la critique est utile.— La critique est aisée, et l'art est difficile.Destouches, le Glorieux, II, 5.♦ ☑ Mod. Les règles de l'art : les règles qui gouvernent une activité. || Les travaux seront exécutés dans les règles de l'art.46 (Remède) inventé et formé dans toutes les règles de l'art.Molière, le Malade imaginaire, III, 5.47 (…) cette comédie pèche contre toutes les règles de l'art.Molière, Critique de l'École des femmes, 6.REM. De la notion d'habileté pratique, art peut passer à celle de théorie de la pratique.48 L'art est l'habileté réduite en théorie.Joseph Joubert, Pensées, XX.♦ ☑ Loc. C'est l'enfance de l'art.♦ Les limites, les bornes de l'art (par rapport au naturel, à la spontanéité).49 Quelquefois dans sa course un esprit vigoureux,Trop resserré par l'art, sort des règles prescrites,Et de l'art même apprend à franchir leurs limites.Boileau, l'Art poétique, IV.REM. La dialectique de l'art et du naturel est exploitée par tous les théoriciens littéraires, l'art supérieur, suprême étant conçu comme capable de créer l'illusion de la nature et de cacher l'art, à moins que l'art ne soit opposé à la spontanéité (→ ci-dessous, cit. 51, Chénier).50 Chez elle (l'ode) un beau désordre est un effet de l'art.Boileau, l'Art poétique, II, 72.51 L'art ne fait que des vers, le cœur seul est poète.André Chénier, Élégies, XXI.52 Il y a dans l'art beaucoup de beautés qui ne deviennent naturelles qu'à force d'art.Joseph Joubert, Pensées, XX, 11.53 Je ne veux pas qu'on soit un charlatan et qu'on use en rien d'artifice; mais je veux qu'on observe l'art : l'art est de cacher l'art.Joseph Joubert, Lettre à Mme de Beaumont, 12 sept. 1801.♦ ☑ L'art et la manière (au sens mod. de art, II., mais conservant les implications plus générales du mot).54 Gardez-vous de confondre art et manière (…) L'art le plus subtil, le plus fort et le plus profond, l'art suprême est celui qui ne se laisse pas d'abord reconnaître. Et comme « la vraie éloquence se moque de l'éloquence », l'art véritable se moque de la manière qui n'en est que la singerie.Gide, Feuillets, in Journal 1889-1939, Pl., p. 715-716.♦ Dans des titres d'œuvres, de traités. || L'Art d'écrire, de Condillac. || L'Art d'aimer, d'Ovide. || L'Art de la fugue, de J.-S. Bach.3 (Déb. XIIIe, désignant une technique manuelle). || Un art, les arts : ensemble de connaissances organisées et éventuellement théorisées, mais en fonction d'une pratique, d'une utilité sociale (⇒ Technique); les connaissances, par oppos. à une science « conçue comme pure connaissance indépendante des applications » (Lalande). — REM. Cet emploi a vieilli, ou du moins beaucoup évolué, depuis son apparition.55 Vous voulez peut-être savoir (…) si la logique est un art ou une science ?Molière, le Mariage forcé, 4 (→ Logique).56 Des sciences sont nés les arts, qui ont apporté tant d'ornements et tant d'utilité à la vie humaine.56.1 La médecine n'est pas une science; c'est un art (…) dans toutes les connaissances humaines il y a à la fois de la science et de l'art. La science est dans la recherche des lois des phénomènes et dans la conception des théories; l'art est dans l'application, c'est-à-dire dans une réalisation pratique en général utile à l'homme qui nécessite toujours l'action personnelle d'un individu isolé.♦ Art poétique (calque du lat., lui-même du grec poietikê tekhnê, Aristote) : ensemble des techniques langagières, rhétoriques, métriques, etc., propres à la poésie. ⇒ Poétique (n. f.). — Traité de poétique et de rhétorique. || Les arts poétiques médiévaux, classiques. || L'Art poétique, de Boileau.♦ Vx. Métier, profession supposant des connaissances et des pratiques spécifiques qui réclament un apprentissage. ⇒ Technique; artisanat, industrie (vx). || L'art du mécanicien. || Pratiquer, posséder un art. || Exceller dans un art. || Il ne possède que les rudiments de son art.57 (…) de donner impudemment le nom de science à des choses que l'on ne doit pas même honorer du nom d'art, et qui ne peuvent être comprises que sous le nom de métier misérable de gladiateur, de chanteur et de baladin !Molière, le Bourgeois gentilhomme, II, 3.58 Mettant leur Apollon aux gages d'un libraire,Ils font d'un art divin un métier mercenaire.Boileau, l'Art poétique, IV.59 C'est un métier que de faire un livre, comme de faire une pendule (…) Il y a dans l'art un point de perfection (…) Celui qui le sent et qui l'aime a le goût parfait (…)Il y a des artisans ou des habiles dont l'esprit est aussi vaste que l'art et la science qu'ils professent (…)La Bruyère, les Caractères, I, 3, 10 et 61.60 L'on peut s'enrichir dans quelque art ou dans quelque commerce que ce soit par l'ostentation d'une certaine probité.La Bruyère, les Caractères, VI, 44.REM. Un art, l'art de qqn peut signifier de manière ambiguë une technique apprise et exercée avec un talent personnel (sens traité ici), tout en impliquant une recherche esthétique (sens II). Mais de tels emplois connotent cependant encore le sens ancien et général de art.61 La pratique d'un art demande un homme tout entier; c'est un devoir de s'y consacrer pour celui qui en est véritablement épris.E. Delacroix, Journal, 16 janv. 1860.61.1 — On m'a dit que d'ingénieur vous vous êtes fait architecte.— C'est vrai.— Et qui vous enseigna cet art ?Claudel, la Jeune Fille Violaine, IV.62 Cet homme (Beethoven) a deux passions : son art et la vertu.Édouard Herriot, la Vie de Beethoven, p. 261.♦ Absolt. Vieilli. || Les hommes, les gens de l'art : ceux qui exercent un art.63 (…) En cela, j'ai pour guideTous les maîtres de l'art, et tiens qu'il faut laisserDans les plus beaux sujets quelque chose à penser.La Fontaine, Fables, X, 14.♦ Spécialt. || Consulter un homme de l'art, un médecin.REM. Art, en ce sens (technique et métier), peut être qualifié par un complément (nom ou infinitif introduit par de), par une épithète, par une proposition relative, etc.♦ L'art du bijoutier, de la bijouterie. || Art et commerce des vêtements de mode, art de la mode. || L'art de la poterie. ⇒ Artisanat. || L'art de fabriquer des outils, de travailler le bois, la pierre, le métal. || L'art du médecin, l'art médical (Cf. Cl. Bernard : « La médecine (…) est un art », cit. 56.1). ⇒ Métier; -technie, -urgie.REM. Ces emplois sont généralement vieillis, sauf quand on veut mettre l'accent sur le caractère individuel du travail, sur son côté difficile et recherché, et sur ses rapports avec l'art au sens II (métiers d'art) ou avec la science (la médecine). Encore vivants, les syntagmes suivants sont plus ou moins ambigus et souvent compris au sens II : art oratoire, art dramatique, art théâtral. D'autres emplois se sont conservés sans être mis en rapport avec l'esthétique; → ci-dessus, I., 1., Ouvrage d'art.♦ L'art de la guerre : la tactique et la stratégie, considérées comme des techniques, des pratiques codifiées et plus ou moins théorisées.♦ En loc., avec un adj. || L'art sacré ou sacerdotal : la philosophie hermétique (⇒ Hermétisme), attribuée à l'ancienne Égypte. — Le grand art : l'alchimie. ⇒ Alchimie. — L'art royal : la franc-maçonnerie. — Le noble art (empr. à l'angl.) : la boxe.♦ ☑ Les arts martiaux (angl. martial arts, 1933) : les arts de combat traditionnels japonais (⇒ Aïkido, jiu-jitsu, judo, karaté, kendo), chinois (⇒ Kung-fu).4 (V. 1160, Benoit de Sainte-Maure : les set arz [liberaux]). || Les arts (en emploi absolu, ou avec un qualificatif) : les techniques.♦ (XVIIIe). || Le langage des arts : la terminologie des techniques.63.1 En exposant ce que furent les arts dans les deux premières époques de la société, on fera voir comment aux arts qui travaillent le bois, la pierre, ou les os d'animaux, qui préparent les peaux, et qui forment des tissus, ces peuples primitifs purent joindre les arts plus difficiles de la teinture, de la poterie (…)Condorcet, Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, p. 37.REM. C'est cet emploi, par les qualifications qu'il reçoit, qui permet au XVIIIe s. l'opposition entre le sens ancien de « technique » et celui de « valeurs intellectuelles ou esthétiques », qui prévaudra.♦ (1265). Vx. || Arts mécaniques : ensemble des techniques fondées sur le travail manuel utilisant des mécanismes et produisant des objets utiles (par oppos. à arts libéraux).64 Les arts mécaniques (pendant la Renaissance) qui produisaient les objets utiles se distinguèrent des beaux-arts qui n'avaient souci que de la beauté. L'ouvrier des arts mécaniques conserva le vieux nom français d'artisan, le travailleur des beaux-arts prit le nom italien d'artiste.Ch. Seignobos, Hist. sincère de la nation franç., p. 159.REM. Historiquement, les distinctions linguistiques évoquées dans ce texte sont plus tardives.♦ Didact. || Arts libéraux, ceux dans lesquels le travail intellectuel est dominant. ⇒ Humanisme, lettres, philosophie. || Les sept arts libéraux enseignés dans les facultés des arts du moyen âge. ⇒ Dialectique, grammaire, rhétorique (trivium); arithmétique, astronomie, géométrie, musique (quadrivium). || Étudiant de la faculté des arts. ⇒ Artien. — Absolt. || Les arts : les arts libéraux. || Maître ès arts, celui qui avait pris ses degrés à la faculté des arts, et pouvait enseigner la philosophie et les lettres.65 Le lion, pour bien gouverner,Voulant apprendre la morale,Se fit un beau jour amenerLe singe, maître ès arts chez la gent animaleLa Fontaine, Fables, XI, 5.♦ (1640; répandu au XVIIIe). Mod. || Beaux-arts : arts dont le but principal est la production du beau plastique. ⇒ Architecture, décoratif (art), gravure, musique, peinture, sculpture; → ci-dessous sens II. || École, académie des Beaux-arts.66 Le plaisir, instruisant par la voix des beaux-artsEmbellira la vie au sein de nos remparts.M.-J. de Chénier, Charles IX, II, 3.♦ ☑ Loc. Mod. Arts d'agrément : activités personnelles créatrices, supposant un goût personnel et une technique maîtrisée, et que l'on pratique pour son plaisir. — REM. Ce syntagme, à la différence des suivants, peut être interprété au sens II. de art.♦ Arts ménagers : industries et techniques visant à accroître le confort dans la vie quotidienne et à faciliter la tenue du ménage (cuisine, nettoyage, etc.). ⇒ Ménager.♦ (1786). || Arts et métiers. || Conservatoire national des Arts et Métiers. || Élève, ancien élève de l'École nationale d'ingénieurs des Arts et Métiers. ⇒ Argot des écoles Gadz'arts. || Ingénieur diplômé des Arts et Métiers.♦ Absolt et vx. || Les arts : l'ensemble des activités réglées, des techniques, soit seulement des arts mécaniques, soit aussi des beaux-arts. || Amateur, ami des arts. || Protecteur des arts. || Encourager, faire fleurir les arts.67 Nous cultivions en paix d'heureux champs; et nos mainsÉtaient propres aux arts ainsi qu'au labourage.La Fontaine, Fables, XI, 7.68 Il fit fleurir les arts.69 M. Turgot est le protecteur de tous les arts, et il l'est en connaissance de cause.Voltaire, Lettre de Lallandre, 19 déc. 1774.70 Christine se retira à Rome, où elle passa le reste de ses jours dans le centre des arts.Voltaire, Histoire de Charles XII, 1.71 Du temple des arts que la gloire environne,Vos mains ont élevé la première colonne (…)André Chénier, 2.72 (Les ruines d'Athènes) ne sont bien connues que des amateurs des arts.Chateaubriand, Itinéraire…, VI (→ Amateur cit. 3).REM. Cet emploi n'est plus senti aujourd'hui comme incluant toutes les techniques (arts mécaniques) ni certains travaux intellectuels (arts libéraux), mais est réservé en général aux arts (II.) plastiques, esthétiques et à la littérature créative. Il n'en était pas de même jusque vers le premier tiers du XIXe s. On peut faire la même remarque pour le singulier art, désignant dans la langue classique l'activité réglée, aussi bien de l'écrivain que du peintre, etc.73 Boileau définira l'art : la nature observée par une tête bien faite.Émile Faguet, Études littéraires, XVIIe s., p. 359.———II Mod.1 L'art : la production par l'homme d'œuvres matérielles, grâce au travail manuel et à la technique (art au sens I., 1.) ou grâce au travail intellectuel (et notamment au langage), réalisant une conception de la beauté.REM. Cette notion se dégage progressivement du concept d'art au sens I. La notion de beaux-arts (ci-dessus, et → Beaux-arts), opposée à celles d'arts mécaniques et d'arts libéraux, date du XVIIe s.; elle se diffuse au XVIIIe s. et prépare l'autonomie du mot dans son usage esthétique. Celui-ci apparaît au milieu du XVIIIe, notamment chez Diderot, et est lié à l'importance accordée au sentiment dans la création contrôlée par une (on dit alors un) technique, et à la notion de beau idéal. Mais c'est avec l'esthétique allemande, importée au début du XIXe s. par Mme de Staël, B. Constant, etc., et la montée du romantisme, préparée dans ce domaine par Stendhal, que le mot art se diffuse dans ce sens moderne (voir ci-dessous l'art pour l'art, et la citation de l'étude de G. Matoré, qui éclaire cette évolution). De nos jours, de même que de nombreux emplois du mot art relevant du concept ancien et général sont très vivants, des extensions du concept esthétique font référence à cette notion plus générale (cf. les remarques sous le sens I.).♦ L'art, défini par rapport au sentiment du beau, à l'imitation de la nature, à la nature (cit. 54), à la vérité, à l'expression, au sentiment, au jeu (outre les citations ci-dessous, on consultera sous I., 1. des exemples où art, bien qu'employé en son sens général, concerne principalement la notion définie ici; → cit. 37, Hugo; 43, Balzac; 44, Baudelaire; 54, Gide).73.1 (…) la palette particulière, un faire, un (sic) technique propre à chaque peintre. Qu'est-ce que ce technique ? L'art de sauver un certain nombre de dissonances, d'esquiver les difficultés supérieures de l'art.74 (…) l'art est constamment au-dessous de la nature, surtout lorsqu'il cherche à l'embellir.Musset, la Nuit vénitienne, in Comédies et proverbes, t. I, p. 347.75 La mission de l'art n'est pas de copier la nature, mais de l'exprimer.Balzac, le Chef-d'œuvre inconnu, Pl., t. IX, p. 394.75.1 L'expression est tout l'art. Un tableau sans expression n'est qu'une image pour amuser les yeux un instant. Les peintres doivent sans doute posséder le dessin, le coloris, la perspective, etc. Mais s'arrêter dans une de ces perfections subalternes, c'est prendre le moyen pour le but (…)75.2 Car la poésie vraie, la poésie complète, est dans l'harmonie des contraires (…)Tout ce qui est dans la nature est dans l'art.Hugo, Préface de Cromwell, p. 48.75.3 Or vous avez besoin d'art.L'art est un bien infiniment précieux, un breuvage rafraîchissant et réchauffant, qui rétablit l'estomac et l'esprit dans l'équilibre naturel de l'idéal.(…) il est juste, si les deux tiers de votre temps sont remplis par la science, que le troisième soit occupé par le sentiment, et c'est par le sentiment seul que vous devez comprendre l'art (…)Baudelaire, Curiosités esthétiques, Salon de 1846, « Aux bourgeois ».75.4 J'ai déjà remarqué que le souvenir était le grand critérium de l'art; l'art est une mnémotechnique du beau; or, l'imitation gâte le souvenir.Baudelaire, Curiosités esthétiques, Salon de 1846, « De l'idéal et du modèle ».75.5 (…) l'industrie, faisant irruption dans l'art, en devient la plus mortelle ennemie (…) La poésie et le progrès sont deux ambitieux qui se haïssent d'une haine instinctive, et quand ils se rencontrent dans le même chemin, il faut que l'un d'eux serve l'autre. S'il est permis à la photographie de suppléer l'art dans quelques-unes de ses fonctions, elle l'aura bientôt supplanté ou corrompu tout à fait.Baudelaire, Curiosités esthétiques, Salon de 1859, « Le public moderne et la photographie ».76 La conclusion semble donc qu'il faut rester les yeux fixés sur la nature, afin de l'imiter du plus près possible, et que l'art tout entier consiste dans l'exacte et complète imitation.Taine, Philosophie de l'art, t. I, I, 2.77 Cela est-il vrai de tous points, et faut-il conclure que l'imitation absolument exacte est le but de l'art ?Taine, Philosophie de l'art, t. I, I, 3.78 L'art n'a pas la vérité pour objet. Il faut demander la vérité aux sciences, parce qu'elle est leur objet.France, le Jardin d'Épicure, p. 31.79 L'Art existe à la minute où l'artiste s'écarte de la nature.Cocteau, la Difficulté d'être, p. 221.80 L'art est la source de vie; il est l'esprit de progrès, il donne à l'âme le plus précieux des biens : la liberté; et nul n'en jouit plus que l'artiste.R. Rolland, Musiciens d'aujourd'hui, p. 115.81 (…) la différence qualitative qu'il y a dans la façon dont nous apparaît le monde, différence qui, s'il n'y avait pas l'art, resterait le secret éternel de chacun. Par l'art seulement, nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n'est pas le même que le nôtre et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu'il peut y avoir dans la lune. Grâce à l'art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et autant qu'il y a d'artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition (…)Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 895-896.81.1 L'art comme relation du formel et du significatif.Valéry, Cahiers, Pl., t. II, p. 923.81.2 (On découvre) que les passions humaines ne sont point la règle des arts, mais qu'au contraire, c'est l'art qui règle l'homme, lui montrant, par la loi architecturale, sa propre forme plus belle que lui, et plus sage que lui. C'est pourquoi toute vraie statue exige une prière, et toujours l'obtient.Alain, Propos, 28 mai 1924, l'Architecture, règle suprême des arts.81.3 Dès qu'il s'agit d'art, c'est-à-dire d'expression humaine à travers une technique définie (…)81.4 Ce que l'art est tout d'abord, et ce qu'il demeure avant tout, est un jeu.Georges Bataille, Lascaux ou la Naissance de l'art.81.5 L'art ne délivre pas l'homme de n'être qu'un accident de l'univers; mais il est l'âme du passé au sens où chaque religion antique fut une âme du monde. Il assure pour ses sectateurs, quand l'homme est né à la solitude, le lien profond qu'abandonnent les dieux qui s'éloignent (…) le Musée Imaginaire est la suggestion d'un vaste possible projeté par le passé, la révélation de fragments perdus de l'obsédante plénitude humaine, unis dans la communauté de leur présence invaincue. Chacun des chefs-d'œuvre est une purification du monde, mais leur leçon commune est celle de leur existence, et la victoire de chaque artiste sur sa servitude rejoint, dans un immense déploiement, celle de l'art sur le destin de l'humanité. L'art est un anti-destin.Malraux, les Voix du silence, p. 637.♦ ☑ (Déb. XIXe, B. Constant; → ci-dessous, cit. 81.6, Matoré). L'art pour l'art (formule reprise par Théophile Gautier) : l'art qui n'a pas d'autre but que lui-même, qui porte en lui sa propre justification; qui ne vise pas l'utile, mais le beau. ⇒ Beau, I. (cit. 5, Gautier). — REM. Les romantiques opposent parfois cette conception de l'art à l'art utilitaire (art social).81.6 C'est dans son Journal intime que Constant utilise pour la première fois après une conversation avec un disciple de Schelling, Crabbe Robinson, établi à Weimar, l'expression l'Art pour l'Art (en note : 20 pluviôse an XII, éd. Albin Michel, p. 8…). Mme de Staël rencontre à Weimar, au début de 1804, Goethe, Schiller, Wieland, Robinson, etc. Cousin se rend en Allemagne en 1817 (…) Les Français feront connaissance outre-Rhin avec une esthétique nouvelle, celle de Kant, de Schelling, de Hegel et de Schiller, qui est à l'origine de la conception que se font de l'Art les Romantiques de 1827-1834.G. Matoré, la Méthode en lexicologie, p. 104.82 Il faut de la religion pour la religion; de la morale pour la morale, de l'art pour l'art. Le bien et le saint ne peuvent être la route de l'utile, ni même du beau.Victor Cousin, Cours de philosophie de 1818, p. 224.83 L'art pour l'art signifie, pour les adeptes, un travail dégagé de toute préoccupation autre que celle du beau en lui-même.REM. La doctrine de l'art pour l'art a coloré l'usage du mot pendant une bonne partie du XIXe siècle.83.1 Au lieu des beaux-arts que nous connaissions tous par leur nom de famille ou par leur nom de baptême, nous avons l'Art (…) C'est de l'art qu'il est question dans toutes les poétiques à la mode, dans les romans intimes et dans les préfaces des livres qu'on ne lit pas (…) Enfin il s'en est trouvé quelques-uns qui, soudainement épris d'un noble dédain pour les choses d'ici-bas, ont agité, sans rire, la question de savoir s'il ne serait pas bien à propos de faire de l'art pour l'art.84 Nous croyons à l'autonomie de l'art; l'art pour nous n'est pas le moyen, mais le but; tout artiste qui se propose autre chose que le beau n'est pas un artiste (…)Th. Gautier, l'Artiste, 14 déc. 1856.85 Tout passe. L'art robusteSeul a l'éternité.Le busteSurvit à la cité (…)Les dieux eux-mêmes meurent,Mais les vers souverainsDemeurentPlus forts que les airains.Th. Gautier, Émaux et Camées, « L'art ».♦ … d'art. || Œuvre d'art (⇒ Œuvre, cit. 25 à 27 et supra). — Travail d'art. — Les métiers d'art : les métiers à caractère artistique. — Un film d'art (expression vieillie, employée v. 1910 pour opposer la vocation artistique du cinématographe à la fabrication de films sans prétentions artistiques). Mod. || Cinéma d'art et d'essai.86 Nous voulons toujours dire que ce qui plaît dans l'œuvre d'art c'est ce qui est raisonnable et calculé; mais cette partie des œuvres est trop froide; ce qui est bien construit, bien peint, bien rimé, c'est toujours travail.Alain, Propos, 10 déc. 1930, La chance.2 Spécialt et absolt. Art, excluant les disciplines du langage, parfois celles du son et du temps, pour se limiter à la création d'œuvres visuelles (arts plastiques, arts de l'espace; → ci-dessous, 3.). || Les œuvres d'art d'un musée (tableaux, sculptures, décorations, éventuellement meubles). || Objet d'art : objet considéré à la fois comme marchandise et comme produit de l'art. || Marchand d'objets d'art anciens (⇒ Antiquaire). || Vente aux enchères d'œuvres et d'objets d'art. || Ville d'art, riche en œuvres d'art. || Livre d'art, contenant des reproductions d'œuvres artistiques. || Le marché de l'art, des œuvres d'art. — Critique d'art (par oppos. à critique littéraire, musical). || Institut d'art et d'archéologie. || Histoire de l'art. || Sociologie de l'art. || Sémiologie, sémiotique de l'art.87 L'œuvre d'art avait été liée, statue gothique à la cathédrale, tableau classique au décor de son époque; mais non à d'autres œuvres d'esprit différent — isolée d'elles au contraire, pour être goûtée davantage. Les cabinets d'antiques et les collections existaient au XVIIe siècle, mais ne modifiaient pas, à l'égard de l'œuvre d'art, une attitude dont celle de Versailles est le symbole. Le musée sépare l'œuvre du monde « profane » et la rapproche des œuvres opposées ou rivales. Il est une confrontation de métamorphoses.Malraux, les Voix du silence, p. 12.3 (Un art, les arts). Chacun des modes d'expression esthétique, dans quelque domaine que ce soit.88 Lorsque la sculpture bavarde, je m'en détourne. Lorsque la musique décrit, je m'en détourne. Si l'architecture tend devant mes yeux un décor sans épaisseur, et derrière lequel il n'y a rien, je m'en détourne. D'une peinture qui fait danser ses personnages, je me détourne. Je veux que chacun des arts parle le langage qui lui est propre, au lieu de bégayer dans une langue étrangère.Alain, Propos, 3 juin 1921, Du langage propre à chaque art.89 Ce que nous faisons et ensuite percevons est de trois espèces. L'action est la première, qui change le solide et y enfonce le pouce ou l'outil. C'est l'art rude, qui modèle, qui fouille et qui construit (…)La voix est la seconde espèce (…) Tel est l'art de l'aède, qui est comme la mémoire des guerriers (…)Le troisième art est l'art du geste; et c'est l'art du chef. Le geste dessine l'action, mais n'est point action. Sous la forme de la danse, il ressemble à la musique (…) Le geste tracé, qui est dessin ou écriture, reste léger et effleurant (…)Alain, Propos, 14 avr. 1923, le Potier.♦ Arts plastiques ou arts de l'espace. ⇒ Architecture, peinture, sculpture; dessin, gravure; photographie (correspond au sens spécial de art, II., 2.). — REM. Les arts, employé absolt, désigne en général les arts plastiques.90 (…) cette fameuse beauté, qui est, au dire de tout le monde, le but des arts; si c'est l'unique but, que deviennent les gens qui, comme Rubens, Rembrandt, et généralement toutes les natures du Nord, préfèrent d'autres qualités ? Demandez la pureté, la beauté, en un mot, au Puget, adieu sa verve !E. Delacroix, Journal, 9 févr. 1847.♦ Les quatre arts enseignés dans les écoles des beaux-arts (architecture, gravure, peinture, sculpture), dits plaisamment les quat'zarts [katzaʀ]. — Le bal des quat'zarts, organisé traditionnellement à la fin de l'année universitaire par les élèves de l'École nationale supérieure des beaux-arts, à Paris.REM. Ne pas confondre avec le paronyme gadz'arts (→ Gadz'arts à l'ordre alphabétique, et, dans cet article, la loc. arts et métiers, supra cit. 67).90.1 Adieu ! les faux tibias, les crânes de carton…Plus de marche funèbre au son des mirlitons !Au grand bal des quat'zarts nous n'irons plus danser,Les vrais enterrements viennent de commencer.Nous n'irons plus danser au grand bal des quat'zarts,Viens, pépère, on va se ranger des corbillards.G. Brassens, les Quat'zarts (chanson).♦ Les arts du temps. ⇒ Musique; danse; cinéma. || Les arts du langage. ⇒ Littérature, rhétorique. || Les arts du spectacle. ⇒ Théâtre; opéra. || L'art photographique. || L'art du film, de l'écran.91 (Au théâtre) une suite de tableaux d'où le mouvement même est effacé par la puissance de quelque loi chorégraphique. De quoi l'art de l'écran fournit une preuve par le contraire, et sans la chercher; car le mouvement perpétuel est la loi de ses productions (…)Alain, Propos, 10 févr. 1923, l'Immobile.♦ ☑ Loc. Le septième art : le cinéma. ☑ Le huitième art : la télévision. ☑ Le neuvième art : la bande dessinée.♦ Vx. || L'art nègre (expression en usage au déb. du XXe siècle) : les arts d'Afrique noire (mis à la mode en Europe à l'époque cubiste).92 L'Europe a découvert l'art nègre lorsqu'elle a regardé des sculptures africaines entre Cézanne et Picasso, et non des fétiches entre des noix de coco et des crocodiles.Malraux, la Métamorphose des dieux, p. 20.♦ Art nouveau : styles d'arts plastiques (→ ci-dessus) développés en Europe entre 1885 et 1914. — Syn. : modern style. ⇒ Nouveau (cit. 7 et supra).♦ Art déco [aʀdeko] : style représenté par l'Exposition des arts décoratifs de 1925 et ses suites.♦ L'art, les arts de masse : les activités et productions artistiques diffusées massivement. — Art populaire : forme d'art (arts plastiques ou œuvres littéraires; → ci-dessous, cit. 93, Proust) destinée au peuple.93 L'idée d'un art populaire comme d'un art patriotique, si même elle n'avait pas été dangereuse, me semblait ridicule. S'il s'agissait de le rendre accessible au peuple en sacrifiant les raffinements de la forme, « bons pour des oisifs », j'avais assez fréquenté de gens du monde pour savoir que ce sont eux les véritables illettrés, et non les ouvriers électriciens. À cet égard, un art populaire par la forme eût été destiné plutôt aux membres du Jockey qu'à ceux de la Confédération générale du Travail (…)Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 888.♦ Arts appliqués : techniques artistiques fondées sur l'application d'un art (dessin, peinture, etc.) et visant à la conception et à la fabrication d'objets utilisables et esthétiques. ⇒ aussi Design (anglicisme).♦ Arts décoratifs : arts appliqués à la décoration. ⇒ Décoratif.94 On l'a tenu (le vitrail) pour un art d'ornement. Prenons garde que le domaine de l'art décoratif est fort imprécis quand il appartient à un art barbare. Un coffret du XVIIIe lui appartient d'évidence, mais une châsse ? Un bronze du Louristan, une plaque scythe, une étoffe copte, tels animaux chinois — voire une tapisserie ? Une figure de châsse est subordonnée à l'objet qu'elle décore ? Sans doute moins qu'une statue-colonne à l'architecture dont elle fait partie (et l'influence de l'orfèvrerie sur la sculpture romane de pierre n'est plus contestée). Le domaine de l'art décoratif n'est déterminable avec précision que dans un art humaniste.Malraux, les Voix du silence, p. 36.4 Art (qualifié par un adj. ou un compl. de nom) : ensemble d'œuvres propres à une époque, à un lieu, à une civilisation, à un style, etc.; production de ces œuvres et activités liées à cette production, dans l'histoire. || L'art antique, médiéval, moderne, contemporain. || Musée national d'art moderne, à Paris. || L'art du XVIIe siècle français.♦ Étudier l'art égyptien, assyrien, américain. || Histoire de l'art italien, allemand, flamand. || L'art africain, océanien. || L'art des steppes. || Exposition d'art gaulois, d'art brésilien contemporain. || L'Art d'Occident, ouvrage de H. Focillon. || Les arts d'Asie, d'Extrême-Orient. || L'art japonais classique. — Art primitif (expression vieillie ou critiquée, comme l'est art populaire). || Les arts premiers. — Art élisabéthain. || L'art Ming, T'ang : l'art chinois des dynasties Ming, T'ang. — Styles. || Art roman, gothique, renaissance. || Art baroque, classique.♦ (Tendances apparues au XXe s.). || L'art abstrait, non figuratif. ⇒ Abstraction. || L'art pop. ⇒ Pop art. || L'art optique. ⇒ Op art. || Art cinétique. || Art naïf (cit. 5). || Art brut (cit. 7; art spontané). || Art conceptuel (2.). || Art minimal (2.). || Art pauvre (ital. arte povera). → Matiérisme. || Art néo-figuratif. || L'art réaliste socialiste. || Art hyperréaliste. ⇒ Hyperréalisme. || Art modelant la nature. ⇒ Land art.95 On en arrive (…) progressivement à la notion d'œuvre d'art ouverte (…) en opposition à l'œuvre d'art produit fini. Notion qui trouvera sa parfaite illustration dans les earthworks (« œuvres de terre ») du land-art américain et dans l'arte povera de Germano Celant : la disponibilité dématérialisante de l'art pauvre en fait l'arme de la guerilla contre l'art du monde riche.Pierre Restany, l'Autre Face de l'art, p. 96.❖DÉR. Artisme. — V. aussi les dér. du lat. ars : artien, artisan, artiste.HOM. Are, arrhes, ars, hart.
Encyclopédie Universelle. 2012.